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17 octobre 2014
Les entreprises de l'agroalimentaire n'échappent pas à la morosité économique ambiante. Si elles sont moins touchées que d'autres secteurs, en particulier le BTP, elles font face à plusieurs difficultés.
En effet, comme l’explique Jean-michel Pérès, directeur général de Groupama Assurance-Crédit, à l’occasion de la nouvelle édition de la plaquette défaillances d’entreprises 2014-2015 : » Après avoir été relativement épargné, l’agroalimentaire aborde une conjoncture difficile avec une compétitivité dégradée « .
S’il est toujours difficile de généraliser les perspectives de croissance pour des entreprises opérant dans des filières différentes, il n’en demeure pas moins que les IAA françaises sont pénalisées en tout premier lieu par la faiblesse de la demande en France et en Europe. Alors que l’INSEE vient de réviser sa prévision de croissance en France pour 2014 à la baisse, +0,4 %, l’environnement européen n’est pas non plus très favorable. Même l’Allemagne commence à ressentir les effets du ralentissement de ses partenaires européens : sa prévision de croissance (source FMI) a été ramenée à 1,4 %
Les entreprises agroalimentaires sont traditionnellement de gros fournisseurs de la grande distribution. Si les grandes multinationales ont su préserver leur pouvoir de négociation envers ces enseignes, les PME doivent passer sous les fourches caudines des acheteurs des centrales. Ce phénomène s’est accentué avec la » guerre des prix » à laquelle se livrent les groupes de la grande distribution. Alors que la croissance de ces derniers a longtemps reposé sur une extension de leur front de vente et une augmentation naturelle de la consommation, la crise de 2008 a remis en cause ce modèle. La priorité est donc devenue de s’affirmer comme l’enseigne la moins chère pour capter des consommateurs encore plus sensibles à l’argument prix, avec le soutien implicite des pouvoirs publics, désireux de juguler tout risque inflationniste. Mais qui finance cette baisse des prix ? Les fournisseurs bien sûr et notamment les PME agroalimentaires. Comment le font-elles ? En réduisant leurs marges. Quitte à sacrifier les investissements nécessaires au maintien de leur compétitivité. Cette attrition n’est malheureusement pas compensée par les effets du CICE. On notera que le premier bilan est en deçà des attentes (près de 9 milliards d’euros distribués contre 13 prévus) et que les sommes versées sont rarement affectées à l’investissement. Signalons aussi que les coopératives, acteurs majeurs de l’agroalimentaire, ne bénéficient pas aujourd’hui du dispositif.
À l’international, outre la faiblesse de la demande, les entreprises font face à plusieurs difficultés. Si la problématique de la parité euro-dollar est réelle, elle touche également les concurrents européens. Plus inquiétante est la perte de compétitivité des entreprises françaises. C’est particulièrement évident dans certaines filières, telle la viande. À l’inverse, l’Allemagne a su faire de son secteur agroalimentaire une puissante machine à exporter grâce à une vigoureuse politique d’investissement menée depuis vingt ans.
Devant la faiblesse des marchés européens, les entreprises poussent le feu du grand export et s’attaquent aux marchés émergents. Mais si nos entreprises y connaissent des succès, elles doivent faire face à des évolutions de marché plus erratiques avec le ralentissement de la croissance dans certains pays – le Brésil par exemple – alors que les BRICS et autres ont tiré la croissance mondiale ces dernières années. De plus, certains marchés affichent une grande volatilité. Ainsi la Chine a-t-elle sensiblement diminué ses importations de vins en 2013, suite à une vaste campagne anticorruption et aux effets de stockage des ventes des années précédentes. Le développement du grand export rend également les entreprises sensibles aux soubresauts géopolitiques mondiaux. Certains marchés peuvent se fermer brutalement (comme la Russie cet été pour la viande, les fruits et légumes ou les produits laitiers…) avec pour conséquence, au-delà d’impayés éventuels ou d’opérations de récupération des marchandises, la nécessité de trouver de nouveaux débouchés pour écouler la production dans un contexte d’excédent de l’offre car tous les exportateurs se repositionnent.
Dernière faiblesse, cette fois structurelle, le manque d’acteurs de taille internationale capables de mobiliser des moyens financiers importants pour investir (industriellement ou commercialement) et pénétrer de nouveaux marchés (produits ou pays). La taille est aussi un atout pour peser dans les négociations commerciales (avec la grande distribution, par exemple) et éviter le risque de dépendance économique. C’est vrai pour l’agro-alimentaire comme pour beaucoup de secteurs économiques. Le modèle agricole et agroalimentaire français a par ailleurs souvent favorisé l’émergence de leaders régionaux plutôt que de champions nationaux capables de rivaliser avec les grands concurrents internationaux. Les mouvements de rapprochement qui ont notamment touché le secteur coopératif en 2013 et 2014 illustrent bien la prise en compte de cette recherche de taille internationale.
Tous ces facteurs concourent à fragiliser les entreprises. Les chiffres des défaillances en France en témoignent. Après presque 62 000 défaillances en 2013, l’année 2014 devrait être marquée par un léger reflux. À fin juillet, on enregistrait déjà près de 38 000 défaillances. On peut estimer que l’année s’achèvera à 60 000. Le taux de défaillances en 2013 était de 0,92 % (contre 0,90 % en 2012) sur un parc qui frôle les 7 millions d’entreprises.
Concernant les filières agroalimentaires, le sommet a été atteint en 2013 avec plus de 11 000 défaillances, soit un taux de 2,7 %. Pour les sept premiers mois de l’année 2014, on compte 7 537 défaillances. Sans surprise, il ressort que ce sont les niveaux les plus en aval qui sont les plus affectés : le commerce de détail, le CHR.
Quant au noyau dur de l’agroalimentaire, à savoir les industriels et les grossistes, avec 687 défaillances, ils ont été durement touchés en 2013, avec un taux de 2,47 %. Ce chiffre masque une forte disparité : les industriels affichaient un taux de 3,6 % contre 2,2 % pour les grossistes. Même si les perspectives 2014 pour ces opérateurs sont un peu meilleures, il n’en demeure pas moins qu’on ne saurait prétendre que la situation soit bonne. La sinistralité des industriels demeure toujours très au-delà de celle des grossistes, à niveau très élevé. D’ores et déjà, on sait que pour 2014 elle approchera de 3 %. L’actualité l’a cruellement rappelé ces derniers mois avec les difficultés de Gad, TillySabco, La Lauragaise, Fly… Et ce après une année 2013 horribilis avec Doux, Spanghero, Européenne Food.
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