Le changement climatique, c’est maintenant.

La hausse des températures dépasse d’ores et déjà 1,2 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Cette situation implique de s’adapter à ces impacts, lesquels, quoi qu’il arrive, continueront à se renforcer dans les prochaines décennies. 

L’assurance est en première ligne, en protégeant les Français, particuliers comme professionnels ainsi que collectivités publiques, contre les conséquences des événements climatiques. Prévenir, s’organiser et anticiper la dégradation du risque sont les maîtres mots de cette adaptation. Dans ce contexte, Groupama conduit un programme « Adaptation au changement climatique » qui vise à accélérer les initiatives pour continuer à accompagner ses sociétaires, dans le respect de sa raison d’être mutualiste, tout en maîtrisant les engagements et les nécessaires équilibres économiques.

Cédric Bouclier, responsable du programme Adaptation au changement climatique et du Climate Lab, revient sur ces enjeux et sur la façon dont Groupama s’en saisit.

L’aggravation du risque climatique pose de nouveaux enjeux assurantiels.
Pouvez-vous nous préciser lesquels ?

Cédric Bouclier, responsable du programme Adaptation au changement climatique et du Climate Lab

Cédric Bouclier : Les enjeux climatiques deviennent prépondérants pour un assureur dès lors que l’on arrive à des montants de sinistralité très significatifs et en hausse progressive. Dans les années 1990, au niveau du marché français, cette sinistralité se situait autour de 1,5 Md€ en moyenne annuelle alors qu’elle dépasse les 3 Md€ depuis 2015. Et l’année 2022 est emblématique car l’on a atteint 10 Md€ de sinistres en raison des orages de grêle et des sécheresses. Cette nouvelle réalité vient mettre en tension l’ensemble des acteurs de l’assurance, privés mais aussi publics, car le régime des catastrophes naturelles devra évoluer. Ces évolutions font partie des préoccupations de nos clients et sociétaires, qui voient ces phénomènes se multiplier alors que les réponses restent à construire.

Je citerai deux exemples marquants :

  • Le premier, ce sont les sécheresses plus fréquentes qui génèrent, du fait du phénomène de retrait-gonflement des argiles, des fissures dans les maisons individuelles et pour lesquelles on est encore à la recherche de solutions techniques.
  • Le deuxième, c’est la récurrence des inondations à l’image de celles que le Pas-de-Calais a vécues ces derniers mois, une véritable épreuve pour les personnes concernées.

Les assureurs se retrouvent donc face à trois sujets majeurs : une sinistralité en forte hausse, la nécessité d’accompagner les clients et sociétaires face à ces événements et, enfin, un enjeu de gestion opérationnelle pour traiter efficacement et en même temps des milliers de dossiers, comme lors de la tempête Ciaran en Bretagne.

Comment Groupama se saisit-il de cette question ? 

C.B : Groupama a mis en place, en 2021, un programme d’adaptation au changement climatique pour faire face à ces sujets. Il s’oriente autour de trois axes : l’accompagnement de nos clients, le maintien de nos équilibres économiques via des réponses durables et le renforcement de la culture de nos élus et collaborateurs sur les enjeux climatiques. 

Accompagner nos clients, c’est d’abord les sensibiliser. Par exemple, nous leur adressons des alertes par sms en amont d’événements climatiques – plus de 13 millions en 2023 – assorties de recommandations. Et, pour ceux qui se situent dans des zones exposées, nous proposons sur www.groupama.fr un chatbot leur délivrant des conseils pratiques destinés à réduire leur vulnérabilité, comme installer du carrelage au sol, rehausser les prises électriques, etc., si l’on se situe en zone inondable. Cet accompagnement passe également par le relais et la mise en avant d’initiatives publiques auprès de nos sociétaires, dans des zones à risque. 

Maintenir nos équilibres économiques suppose, d’abord, de bien comprendre les différents périls climatiques et leurs impacts en matière de dommages. Nous travaillons à cet effet sur la modélisation de données internes et externes afin d’intégrer ces risques dans nos systèmes décisionnels.

Enfin, renforcer la culture « climatique » de nos équipes, c’est faire des e-learnings de sensibilisation, déployer des ateliers Fresque du Climat, développer des parcours de formation plus approfondis pour nos experts, bref, adapter les compétences à la transformation de notre métier et de nos pratiques.

Le Climate Lab est-il un outil de réflexion prospective, de prévention ou un accélérateur du changement ? 

C.B : Tout cela à la fois ! Le rôle du Climate Lab est de coordonner et d’accélérer les travaux liés à cette dynamique d’adaptation au changement climatique, qui sont mis en œuvre par les directions techniques et les métiers de Groupama. Notre rôle est, également, de mener des expérimentations. Comme je viens de le dire, nous relayons des initiatives publiques innovantes menées dans les territoires : nous mettons en relation les collectivités qui portent ces dispositifs et nos caisses régionales. L’idée est que ces dernières contactent leurs clients concernés pour les mettre en action. Dans la vallée de la Zorn, en Alsace, nous avons envoyé 800 courriers à nos sociétaires pour les inciter à bénéficier d’un diagnostic de vulnérabilité aux crues, proposé par le Syndicat des Eaux et de l’Assainissement de l’Alsace-Moselle, puis à engager des travaux dans leur habitation en mobilisant le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit « fonds Barnier », jusqu’à hauteur de 30 000 €. Nous avons mené le même type d’action dans la région nîmoise et prévoyons de le faire en 2024 dans les Côtes-d’Armor et dans d’autres territoires.

Le Climate Lab participe également à la démarche de place « Initiative Sécheresse », qui vise à trouver des solutions de prévention et de réparation efficaces pour renforcer la résilience des maisons, notamment celles construites sur des sols argileux, face à la sécheresse et réduire l’ampleur du phénomène de fissures constaté ces dernières années.

Sur quelles compétences internes et externes Climate Lab s’appuie-t-il ?

C.B : Le Climate Lab, c’est une équipe resserrée de quatre personnes qui comprend des profils divers : un expert du sujet inondation, un spécialiste de la data et de l’industrialisation des processus, une personne en charge des sujets de la durabilité et moi-même, qui suis ingénieur agronome de formation et m’occupais de planification stratégique opérationnelle précédemment.

Nous travaillons avec de nombreux acteurs extérieurs, dont trois principaux issus du monde académique : l’Institut Pierre-Simon Laplace, un centre d’expertise et de référence sur le changement climatique qui contribue aux travaux du GIEC, l’Institut Agro Montpellier, avec lequel nous formalisons notamment un catalogue de démarches de prévention pour les inondations en agriculture, et le Bureau des risques géologiques et miniers (BRGM), qui nous apporte son expertise sur l’impact des sécheresses sur les différents territoires. Les apports sont mutuels : nous avons besoin des leurs au niveau scientifique tandis qu’ils apprécient de pouvoir travailler sur les sujets concrets que nous leur soumettons. Nous avons également besoin de collecter des données extérieures sur les bâtiments que nous assurons – coordonnées GPS, état des toitures, etc. – et là encore, nous nous appuyons sur des partenaires extérieurs pour bâtir un socle et l’intégrer dans nos systèmes informatiques.

Le Climate Lab a réalisé une cartographie des différents types de périls dans les régions : pouvez-vous nous en parler ?

C.B : Les expositions aux risques climatiques et leurs impacts sont très différenciés d’une région à l’autre, même si aucune n’est épargnée. Il est donc important, pour Groupama, de déterminer l’exposition de notre portefeuille dans les différentes régions afin, d’une part, d’éviter que nous soyons surreprésentés, au-delà de notre part de marché nationale, dans les zones les plus à risque et, d’autre part, d’engager des actions de prévention là où c’est le plus utile. Nous réalisons ces cartographies péril par péril. Nous avons commencé par la sécheresse sur sol argileux et avons également cartographié le risque de grêle pouvant impacter soit les véhicules, en zone urbaine et sur autoroute, soit les bâtiments, ce qui est notamment le cas en proximité de zone montagneuse. Et, bien sûr, le risque inondation. 

Quels seront les prochains sujets de réflexion du Climate Lab ?

C.B : Nous allons continuer à approfondir notre compréhension des risques climatiques pour informer et sensibiliser nos parties prenantes, contribuer à la recherche et à la prévention et être capables d’ajuster notre exposition pour préserver nos équilibres économiques. Le Climate Lab va également travailler sur d’autres sujets RSE, comme diminuer nos propres impacts, notamment sur la chaîne de réparation de sinistres en automobile ou en habitation, fortement émettrice de Co2, par exemple en développant le réemploi de pièces détachées. Ou encore sur la façon d’accompagner nos clients équipés de panneaux photovoltaïques sur le risque incendie, pour trouver les meilleurs équilibres techniques.

Autant de sujets liés aux transitions en cours qui vont nous mobiliser pendant encore de nombreuses années !

Continuez votre lecture

  • L’IA, nouvelle clé de voûte d’un parcours client optimisé ?

    Entretien avec Thibaut Aboulker sur la transformation digitale du Groupe

    Découvrir
  • Si l’on parlait d’avenir ?

    Entretien avec les dirigeants

    Découvrir